La loi n° 2022-301 du 2 mars 2022 relative au choix du nom issu de la filiation offre la « faculté, pour toute personne, de porter le nom de celui de ses parents qui ne lui a pas été transmis à la naissance, qu’il s’agisse de le faire par le nom d’usage ou par le nom de famille. » (P. Vignal, rapporteur de la loi à l’A.N.)
Elle entre en vigueur le 1er juillet 2022.
La procédure est ouverte aux majeurs mais également aux mineurs, sous certaines conditions.
- Le nom d’usage
Un majeur peut accoler à son nom de famille un nom d’usage, mais un seul (et non pas un nom composé). Exemple : Jean DURAND est marié à Jeanine DUPONT-MARCHAND. Jeanine DUPONT-MARCHAND peut opter, à titre d’usage, pour le nom DUPONT-DURAND et non pas DUPONT-MARCHAND-DURAND.
Le nom d’usage n’avait pas de fondement légal. Il en acquiert un par le nouvel article 311-24-2, al.1er (par renvoi de l’article 311-21). Vous pourrez demain choisir, à titre d’usage, de porter soit le nom du père soit le nom de la mère, soit les deux noms accolés dans la limite d’un nom de famille pour chacun d’eux. Cette possibilité existait déjà. La nouveauté : vous avez un double nom, vous pourrez n’en porter qu’un seul à titre d’usage ou ne porter que le nom du parent qui ne vous a pas été transmis.
Cette possibilité manifeste la volonté de ne pas laisser paraître une partie de sa filiation. Ce souci répond à un besoin de personnes ayant vécu un drame familial personnel (violences, abandon) et ne supportant plus de porter le nom du parent qui lui a été attribué à la naissance.
Il reste que la procédure de changement de nom est de loin préférable car elle est désormais facilitée. Nous nous interrogeons donc sur l’opportunité de conserver la procédure du nom d’usage.
Pour le mineur, la décision relative au nom d’usage relève de l’autorité parentale et donc de l’accord des deux parents, en principe. Exception : un parent souhaite ajouter un nom d’usage qui celui transmis à l’enfant par la filiation. L’accord de l’autre n’est pas nécessaire. Il suffit de l’en informer. Si l’autre parent n’est pas d’accord, il saisit le JAF… avec un fort risque de rejet de son opposition ! Dans l’intérêt de l’enfant, une adjonction sera très certainement admise par le juge.
Si l’autorité parentale est accordée à un seul parent, la décision relève de ce seul parent. Le recourt de l’autre parent aurait de fortes chances de ne pas aboutir.
L’enfant de plus de 13 ans doit donner son consentement à l’ajout ou la substitution du nom à titre d’usage.
- Le changement par adjonction ou substitution de nom
Le changement peut s’effectuer désormais sans motif. Attention : il ne peut être demandé qu’une seule fois.
L’intéressé, majeur ou mineur (par le biais des parents), doit confirmer sa demande, au plus tôt un mois après la réception de la demande par l’officier d’état-civil, lequel dans l’intervalle aura procédé aux vérifications nécessaires et saisi le procureur de la République en cas de difficultés.
Le changement de nom s’étend aux enfants du bénéficiaire s’ils ont moins de 13 ans. Au-delà de cet âge, le consentement de l’enfant est nécessaire.
- Les conséquences de cette nouvelle législation ne sont pas nécessairement positives
Du fait de la simplicité et rapidité apparentes, il existe un risque accru d’afflux de demandes auprès des officiers d’état-civil qui ne pourront répondre en même temps à toutes les demandes. Un engorgement est à prévoir et pour un temps long…
La saisine du procureur de la République par l’officier d’état-civil « en cas de difficultés » sera une source certaine de contentieux. On voit mal comment le refus peut être justifié par le procureur de la République mais cela engendrera un allongement de la procédure. Il est à prévoir des frustrations, comme dans le cas de la procédure administrative, aujourd’hui extrêmement longue (plusieurs années).
La procédure administrative traditionnelle auprès de la Chancellerie subsiste pour les dossiers déposés avant le 1er juillet 2022. Comment vont réagir les services de la Chancellerie qui instruisent ces dossiers ? Nul ne le sait. Renvoyer les requérants à la nouvelle procédure devra être juridiquement fondée par ces services.
Et, en tout état de cause, la procédure administrative sera toujours nécessaire pour un changement de nom autre que celui de l’un de ses parents ou encore, lorsque l’intéressé aura fait valoir une première fois sa demande auprès de l’officier d’état-civil, demande satisfaite mais qui, pour des raisons diverses, ne lui convient plus.
Le refus du procureur de la République pourrait aussi fonder une demande administrative auprès des services de la Chancellerie.
Enfin, le changement de nom d’un mineur, pour des motifs socio-affectifs, demeurera de la compétence administrative, dès lors que le mineur n’est pas concerné par la nouvelle procédure.
La difficulté s’accroît pour les enfants issus de parents de même sexe :
En cas de désaccord, la loi du 17 mai 2013 impose l’attribution des deux noms pour les parents de sexe différent.
Mais, la loi du 2 août 2021 impose, pour l’enfant de deux femmes, né d’une AMP (assistance médicale à la procréation) l’attribution de leurs deux noms en l’absence de déclaration conjointe. Or, par la nouvelle loi, il est possible de substituer le nom d’un seul parent aux deux noms imposés.
Cette différence de traitement risque de susciter des contentieux.
Enfin, si le requérant peut changer son nom pour des raisons affectives, le lien de filiation subsiste avec le parent dont le nom est « effacé ». Les obligations alimentaires persistent tant à l’égard du parent devenu indigent qu’à l’égard de l’enfant qui a changé son nom pour « effacer » le nom du parent, lequel parent peut encore être redevable d’une obligation d’entretien à l’égard de son enfant…
Les droits successoraux subsisteront également.
La notion d’indignité va retrouver une vigueur jurisprudentielle très probablement tant chez le juge aux affaires familiales que chez le juge de la succession.
La médiation trouvera ici toute sa place, soyons-en certains !